De la lutte à l'amour
Dans plusieurs villes de France, de Suisse et des USA ont eu lieu dernièrement des marches contre l'endométriose. Pour ma part, en plein 'processus tantrique', je n'ai suivi que de loin ces manifestations. Quelque chose m'a surpris dans les photos des manifestantes, portant une grande bannière. Si chez certaines, il était écrit "marche POUR l'endométriose", d'autres -la majorité- avaient opté pour le "CONTRE" (l'endométriose).
Surprise, voire effarement de ma part. Bien que je soutienne fondamentalement la cause, puisqu'elle est aussi mienne et qu'il est temps que la société bouge, je ne comprends pas ce "contre". De formation littéraire et m'étant reconvertie à l'accompagnement thérapeutique, je suis très sensible à la portée des mots. Et des maux…
"Lutter contre" ce qui est en moi, que ce 'mal', ces symptômes, me plaisent ou pas, va à l'encontre de ce que je sens être un mouvement toujours plus grand d'amour pour moi. Certes, il y a une lutte à mener, absolument indispensable: celle de la reconnaissance au sein de la société de cette maladie du féminin, bien trop passée sous silence malgré sa prédominance et ses conséquences sévères, voire dramatiques pour un nombre conséquent de femmes. En cela, l'objectif fait sens et est parfaitement sain puisqu'il s'agit de faire passer un message et exprimer sa présence et sa réalité au reste du monde. Par contre, là où je ne rejoins pas le mouvement, c'est lorsqu'il est question de lutte CONTRE la maladie.
Cette maladie, aussi douloureuse et handicapante soit-elle, fait partie de moi. Mon corps, ce temple sacré selon la vision tantrique que je partage, est infiniment sage et, ainsi, comment pourrais-je vouloir lutter contre lui, contre ce qu'il me propose, même si la proposition (la maladie) ne me convient pas???
Voilà des millénaires que les humains partent au combat les uns contre les autres, luttent contre l'ennemi, aujourd'hui contre diverses maladies (le cancer, l'endométriose, le sida…). Mais quand allons-nous enfin poser les armes??
Toute la colère, le sentiment d'injustice, la douleur, suffisent-ils à justifier que je me mette en rébellion contre le véhicule de mon âme, ce corps de chair qui m'est prêté le temps d'une vie?
Bien entendu, la souffrance est parfois insupportable. Les conséquences de la maladie au quotidien peuvent être lourdes, très lourdes à porter. J'en sais quelque chose.
Mais ce que je sais aussi, c'est qu'un corps malade n'est pas malade "pour rien". Il me demande toute mon attention, tout mon amour, toute mon écoute. Je ne suis certes pas coupable de la maladie. Jamais. Mais je suis responsable d'en tenir compte, de m'arrêter, d'y mettre du sens, quelle que soit l'issue. Et de tirer des enseignements de ce que j'ai compris.
L'énergie de colère qui nous habite est une énergie divine, car elle est un outil puissant de transformation. Mais lorsque l'on reste bloquée dans cette énergie sans la transmuter, le corps souffre davantage encore. Je le sais très bien: mon corps malade, déjà épuisé par l'état inflammatoire, a besoin de toutes mes ressources, de toutes mes forces, de toute ma positivité pour "se battre". Se battre POUR guérir, ni plus ni moins. Continuellement, notre corps cherche des moyens de guérir. Nous l'oublions souvent.
Lutter contre la maladie qui est là, en ce moment, qui fait partie de moi, que je le veuille ou non, c'est lutter contre moi. C'est à mon sens une marque de désamour profond pour ce que je suis. Bien entendu, il est légitime et sain de vouloir aller mieux, se sentir en forme, ne pas souffrir. Mais ce mieux-être est-il à conquérir au travers d'une lutte contre soi?
J'en doute.
Lutter contre l'endométriose rendra toute forme de traitement, qu'il soit allopathique ou alternatif, vain ou de courte durée. En effet, en luttant contre cette partie de moi qui crie et qui, à travers ces cris de souffrance, tente de m'exprimer quelque chose, je nourris mes conflits internes: d'une part, je suis malade. Constat. Mais d'autre part, j'utilise des outils thérapeutiques (hormones, chirurgie, naturopathie, hypnose, acupuncture…. peu importe, le processus est le même) pour lutter contre cette partie de moi qui est malade, contre ces symptômes qui me disent pourtant quelque chose. Je veux faire taire une partie de moi qui hurle!!
Si mon intention est de mettre le couvercle sur la boîte de Pandore, je ne peux mieux faire. Mais alors, il me revient d'assumer les conséquences d'un tel comportement: je ne comprendrai pas ce que mon corps avait à me dire et n'aurai aucune chance véritable de guérir. Vouloir agir contre une partie de soi qui a pourtant quelque chose à dire est insensé. Et pourtant, nous le faisons tous, à un moment ou un autre.
Personnellement, je privilégie aujourd'hui d'"aller vers", plutôt que "lutter contre". J'accueille et j'embrasse la réalité, la maladie qui fait partie de mon chemin, et je choisis de cheminer vers la guérison. Quelle que soit l'issue. Je me détache du résultat, si important dans notre société. Nous ne cessons de viser un objectif: l'arrêt des symptômes, l'absence de souffrance, une longue vie. Et pourtant, nous savons bien que la souffrance et la mort font partie de toute vie humaine. Lutter contre cette réalité, c'est entretenir le terreau de son propre malheur.
Je décide donc d'avancer vers la guérison, quelle que soit la forme qu'elle prenne. Je refuse désormais de lutter contre mon corps, qui fait tant d'efforts pour aller mieux, malgré tout. Ainsi, c'est un acte de courage qui s'avère nécessaire, un acte d'amour envers soi. Il convient de cheminer vers une acceptation globale de ce qui est. Toute tentative d'aller mieux prend ainsi son sens.
La "lutte contre" devient alors un cheminement vers. Vers un mieux-être. Vers une compréhension de qui l'on est, de ce qui nous arrive. Vers un apaisement. Voire vers une guérison.
Accepter la maladie comme expérience de vie, comme défi pour aller vers un mieux, quel qu'il soit, voilà un acte courageux. Utiliser sa colère pour trouver l'énergie de devenir pleinement soi-même, de s'épanouir totalement, voilà qui permet de sortir de l'impuissance, pour aller vers sa Puissance.
Je me plais à rêver qu'un jour, les femmes manifesteront dans les villes en dansant, en exprimant leur joie d'être femmes, en montrant que la puissance du féminin, même si elle est parfois touchée par la maladie, a une capacité infinie à renaître et à se régénérer, encore et encore.
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