Naître femme
Il était une fois une jolie fée, qui rêvait de s'incarner dans un corps de femme pour sentir la puissance et l'ancrage dans la terre d'une vie humaine. Mais elle avait peur, très peur de perdre non seulement ses ailes, qui la connectaient au subtil, à ce qui ne se voit pas avec les yeux, mais aussi sa légèreté, sa liberté, sa jeunesse éternelle…
L'envie d'expérimenter fut toutefois plus forte que tout. Son âme choisit des parents, et après neuf mois de gestation, elle vint au monde.
Mais commençons par le commencement. Avant la quête du féminin sacré et la maladie gynécologique, avant la quête du partenaire de vie, de l'Amour, ce Graal qui semblait tellement hors de portée, il y avait une petite fille, dans un corps de petite fille.
Mes souvenirs d'enfance sont ténus. Une des seules choses dont je me souvienne avec beaucoup de clarté, ce sont mes longs moments de jeux avec 'mes bébés'. Tandis que d'autres petites filles s'amusaient pendant des heures avec des poupées Barbie aux longues jambes et à la poitrine charnue, moi je câlinais mes poupons sans cheveux et à la fontanelle visible, qui ressemblaient tous à de 'vrais' bébés. Mon argent de poche partait dans l'achat de couche-culottes pour nouveaux-nés, que je mettais et remettais sans cesse à mes petits trésors.
Pour être honnête, j'ai pris longtemps, jusque tard dans l'adolescence, ces bébés dans mes bras.
Pourquoi tant d'attachement à ces poupées? Pour compenser le vide affectif qui m'habitait? Parce que j'étais une fille et que les filles, instinctivement, s'intéressent aux poupées (et les garçons aux petites voitures)? Parce que j'étais prédestinée à devenir sage-femme, nurse ou à avoir plein de bébés?
Rien de tout cela vu qu'aujourd'hui, je n'exerce pas de profession en lien avec les bébés ni n'ai (encore) d'enfant.
Le lien privilégié que je cultivais avec mes poupées était à mon sens certes pour moi un refuge, mais aussi une expression profonde de qui j'étais. Malgré le sentiment d'impuissance et d'incompréhension dans lequel je grandissais, ces moments de jeu m'ont permis de me connecter à ma part féminine - au côté maternel, maternant. A l'Amour, tout simplement. En effet, qu'est-ce que l'énergie féminine, dans sa dimension la plus noble et pure, si ce n'est le don de l'Amour inconditionnel?
Ces moments de jeux avec mes bébés me rapprochaient également du moment de la naissance. Sans le savoir, je touchais déjà à un thème qui deviendrait majeur dans ma vie: la possibilité de donner la vie, de donner naissance.
Par la suite, à la fin de l'adolescence et au début de ma vie de jeune adulte, les infections gynécologiques n'ont cessé de m'amener dans les cabinets médicaux. Les médecins n'avaient pour seuls remèdes que des antibiotiques, antifongiques et autres joyeusetés telles que des opérations au laser. Très jeune, donc, j'ai été touchée dans ma chair. Les médicaments et les traitements invasifs étaient ma seule issue, qui s'est avérée être une voie de garage vu les effets secondaires et les dommages collatéraux qui en ont découlé…A l'époque, je ne connaissais rien des traitements alternatifs et j'étais enfermée dans ma prison de l'Impuissance.
Ainsi, cette période de ma vie m'a amenée à me confronter, très tôt, aux maladies du féminin. Au monde médical souvent démuni, parfois - souvent - peu sensible aux souffrances générées non pas uniquement par les douleurs, mais aussi (et surtout) par l'impact que ces troubles avaient sur l'ensemble de ma vie de jeune femme. Tous les thérapeutes et médecins que je rencontrais évoquaient la piste de l'abus sexuel. Or dans cette vie du moins, je n'ai pas subi d'abus physique.
Les appels au secours n'étaient pas entendus.
De l'enfant en quête du don d'Amour et d'enfantement à la jeune femme chroniquement malade et maltraitée dans son corps, le chemin fut plutôt compliqué. Sans parler des débuts dans la sexualité, bien troublés également.
Le paroxysme de la souffrance a été atteint suite à une séparation amoureuse dramatique pour moi. Cette rupture a été suivie de trois opérations abdominales d'urgence, dont une a pris des proportions dramatiques. C'est là, à 35 ans, que le diagnostic d'"endométriose" a été posé.
Ce corps de femme est-il maudit? Qu'ai-je fait pour mériter pareille destinée? Ne peut-on vivre dans un corps de femme dans la joie, le plaisir, la sérénité et la paix??
La douleur et la colère ont été salvatrices.
Oui, je suis née fille. Mais pour devenir femme, il faut grandir. Il n'y a pas que le corps qui change. Plus encore, le monde intérieur nécessite d'évoluer, de se transformer. Grandir est un mouvement intérieur, bien plus qu'extérieur.
La petite fille qui rêvait de donner naissance à de si beaux bébés a cheminé et compris que c'est avant tout à Elle, qu'elle devait donner naissance. Comment pourrais-je en effet donner naissance à un petit être si je n'ai pas déjà fait éclore le meilleur de moi-même, si je ne me sens pas femme?
Mais qu'est-ce qu'être une femme?
Sentir ses ailes de fée et sa joie naturelle, sa spontanéité d'enfant animer son cœur, sentir vibrer son corps et savoir en prendre soin, cultiver la sensualité et le bien-être, se sentir complète, accueillante, à l'écoute, tout en étant debout dans sa vie, capable d'agir et de faire rayonner sa puissance. Et donc à même de rencontrer le Masculin, à l'intérieur comme à l'extérieur. Voilà ce que c'est pour moi.
Ai-je appris à grandir en tant que femme?
Aucune source extérieure ne me l'a enseigné. Forte de ce constat, je me suis réveillée un beau jour et j'ai pris mon développement en mains. A presque 30 ans, je me suis lancée dans l'aventure. La petite fille a accepté de devenir femme, de "n-Etre" femme. Diverses thérapies et lectures m'ont aidée à cheminer dans cette direction.
Aujourd'hui, je peux dire que c'est beau d'être une femme. Même si le chemin a été un peu ardu pour le devenir. D'ailleurs, le chemin n'est pas terminé. Mes ailes de fée poussent, encore et encore. Grandir jusqu'à aller vers la maternité? Grandir en apprivoisant la maladie, peu importe les manifestations qu'elle prend?
Peut-être. Peut-être pas.
Et si je lâchais les projections sur le futur pour me concentrer sur le présent, sur le champ des possibles? Je fais de mon mieux pour aller vers mes rêves. Et ensuite, je lâche: ces enjeux, d'un coup de baguette magique, ne sont alors plus si importants. La suite du chemin, je la découvrirai en temps voulu. Ce qui compte, c'est maintenant.
On dirait que la sagesse, peu à peu, s'est frayée un chemin en moi.
Et si c'était aussi ça, devenir femme?
" Le bonheur de demain n'existe pas. Le bonheur, c'est tout de suite ou jamais. Ce n'est pas réfléchir, dorer, organiser, capitonner la vie, mais savoir la goûter à tout instant."
René Barjavel
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